Autobiographie

QUE VOULIEZ-VOUS QUE JE FISSE SINON DU HARDCORE ?

On m’a toujours prêté des intentions qui n’étaient pas miennes. Ma naissance fut la prémisse de tout : la sage-femme qui, voulant vérifier l’immédiateté de mon arrivée, enfonça un doigt inquisiteur dans le vagin maternel, crut que je me présentais à rebours (en siège), confondant la bouche dans laquelle elle s’était immiscée avec mon anus. J’aurais pu rester mutique (la preuve étant que suite à ceci on dut me réanimer plus de cinq minutes, sans séquelles, je vous remercie), mais j’avais visiblement autre chose à faire.

Je grandis donc dans la triste plaine de Venarey les Laumes, cité ferroviaire sise aux pieds d’Alésia (Vercingétorix et tout ça, mais oui…) dans les bois de laquelle je m’ébrouais dans une enfance joyeuse et insouciante que seule la plume de Pierre Desproges eut pu traduire. Autant dire que je m’emmerdais ferme entre les vacances aux jeunesses soviétiques ferroviaires et une scolarité « propre » (c’est-à-dire garantissant la satisfaction de tous les adultes m’entourant, propre garantie de ma tranquillité) ; je m’emmerdais car je savais.
Ben oui, je savais que si j’attendais une vingtaine d’années, je pourrais exister. Exister en tant que moi-même, en tant que moi ne faisant que suivre mes désirs de lire, dessiner… Vingt ans d’activité hypocrite dans le seul but d’être libre. Ce fut long et beaucoup plus difficile que je ne me l’étais imaginé. Devenir artiste en cachette, s’user les yeux sur toutes les formes que je pouvais saisir, m’appliquer à façonner ma façon de penser (J.Starr in Authentik) pour pouvoir dire un jour : « Je suis autodiktat », en art, bien sûr, mais aussi en vie, car trop rarement les préceptes enseignés avaient en eux le germe de liberté qu’il faut pour devenir un être humain à part entière, conscient et respectueux de toutes les individualités qui forment la société. Donc oui, je suis devenu enfin ce que j’étais, suis et serai : un autodidacte.


POURQUOI JE SCULPTE ?

Je suis sculpteur comme d’autres sont moines ou assassins : par vocation.
Enfant je n’aimais rien moins qu’être seul, à l’écart de ce monde où pourtant chacun louait mon haut degré de sociabilité : leur faire plaisir d’être ce qu’ils pensaient que j’étais fut un des premiers enseignements que je m’adressais ; et dès lors, il ne restait plus qu’à me dégager du temps personnel afin… de ne rien faire.
Depuis, de l’encre a coulé sur mes dessins et c’est la rencontre avec le livre d’Henri Vincenot, Le Pape des escargots, qui réveilla celui qui dormait en moi ; celui qui attendait patiemment que la vie fasse son chemin : le Gilbert de la Rouéchotte.
Comme d’autres se sont vus en retours du Jehan le Tonnerre, moi, je puis affirmer que je suis le retour du Gilbert de la Rouéchotte, lui-même avatar de Gislebert d’Autun, descendant spirituel des sculpteurs celtes du Mont Beuvray, eux-mêmes enfants de la première poussière de vie de l’Univers ; autant dire que j’ai du boulot devant moi !
Je découvrais, dès mes premiers coups de ciseau que je tenais là un fameux truc et que toutes ces années, enfin, étaient justifiées. Tout est là, je vois ce que le bois me propose, je devine la main de Saint François dans le tilleul, la grave figure du Jean-Baptiste s’impose dans telle vieille planche, la Vierge me tend déjà les bras dans cette poutre et toutes les autres beautés que je n’ai plus qu’à dégager de leur croûte de bois, tout comme ma femme m’a débarrassé de ma croûte de connerie.
Alors, si je sculpte, c’est uniquement pour faire la seule chose que je puisse faire, être moi-même. Si j’aime sculpter des sujets religieux, c’est parce que j’ai fait le pari du positif, parce que la forme n’est que le symbole du fond et que le fond, c’est l’homme et sa grandeur.
Bien sûr, ma carrière aurait pris un autre essor si j’avais modelé d’énormes bites auxquelles j’aurais suspendu des grappes de pouffiasses aux jambes grandes ouvertes, je les eus même appelées Liberté (avec une majuscule) ou bien Esquisse d’un Avenir Dardant. Mais non, j’aime bêtement suivre une autre direction, simple et claire pour qui la veut belle ; profonde et terriblement humaine, pour qui la souhaite ainsi.
Mes sujets sont ainsi, pas franchement dans l’air du temps ; ils sont en fait par-delà l’air du temps. Et je les veux comme tels, arrivés jusqu’à moi (que ce soit une tache sur un papier d’où jaillira une toile ou encore quelques fêles et nœuds sur un rondin), alors l’alchimie s’opère, le lien s’impose à mon œil puis lentement l’idée progresse dans tout mon être pour qu’enfin, rempli d’une énergie toute vouée à cette image, je ne puisse rien faire d’autre que l’aider à se matérialiser.
C’est pourquoi j’aime récupérer les poutres, les pierres et les cartons pour travailler ; j’ai besoin que la matière ait déjà vécu et qu’on la néglige pour qu’enfin elle devienne mienne. Je trouve le trésor dissimulé dans la poutre pourrie de la maison en ruines, la lumière de Saint Michel dans le carton humide, la Gloire du Christ dans les panneaux trop longtemps exposés aux intempéries du menuisier (10 000 mercis Lucien). Je trouve et j’aime ça.
Je sculpte comme d’autres sont moines ou assassins, parce qu’il ne peut en être autrement.

PS : A l’occasion, je pompifie.

 

 

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